Une théorie a la vie dure : celle de l’escalade inéluctable qui fait qu’un petit fumeur d’herbe insouciant deviendrait forcément un junky délabré. Idée fausse sans doute, mais dans laquelle on trouve quand même une part de vérité car il existe bien des « logiques de consommation ». De fait, la plupart des études menées en France montrent que celles et ceux qui fument régulièrement du tabac et boivent de l’alcool consomment plus volontiers du cannabis que ceux qui sont abstinents pour ces deux produits légaux. Cela ne signifie évidemment pas pour autant un passage obligé à l’ecstasy ou au LSD, une condamnation sans appel à la coke ou à l’héroïne !

En matière de drogues, il existe des « lignes jaunes » personnelles plus ou moins clairement formulées que certains franchiront et que d’autres ne passeront jamais (entre autres, l’injection, le vol avec violence, la prostitution…) Mais toutes sortes de « contrôles sociétaux » vont aussi jouer : si le groupe, par la pression qu’il exerce, peut s’avérer être un moteur de consommation, il peut aussi devenir un garde-fou, particulièrement si l’usage individuel vient à déraper.

Chaque réseau, chaque clan, chaque famille, chaque individu a ainsi sa propre appréciation de ce qui est dangereux et de ce qui l’est moins, de ce qui se situe dans le domaine du raisonnable, de ce qui dépasse la mesure. C’est pourquoi la prévention passe par une information objective des risques liés, non seulement aux produits, mais à leurs différents modes de consommation.

D’aucuns y verront une incitation, puisqu’en apportant de l’information, on supprime aussi la peur de l’inconnu, frein potentiel au renoncement. D’autres, de très loin plus nombreux chez les éducateurs et les professionnels de la prévention, considèrent que l’information objective combat au contraire la fascination du mystère, à l’origine de tant de prises de risques irresponsables. Là où le consensus semble pouvoir s’établir, c’est dans la reconnaissance du danger menaçant ceux qui font un usage… dur des drogues… douces. Quelles soient ou non légales !

Trans Europe Joint Express

Les Etats européens comptent entre 10 et 30% d’expérimentateurs de joints dans la population générale adulte (France : 21,6%). Mais la France fait partie du trio de tête pour l’expérimentation chez les 18-34 ans (avec le Danemark et le Royaume-Uni). Elle arrive en tête pour l’expérimentation et l’usage régulier chez les élèves de 16 ans, pour les garçons comme pour les filles.

Cannabis : l’illégal banal

Au fil des décennies, le cannabis est devenu la drogue illicite la plus disponible et la plus expérimentée. Près de 58 % des personnes interrogées par l’INPES pour son Baromètre Santé déclarent qu'il leur serait "facile" de s'en procurer dans les vingt-quatre heures. Pour obtenir du cannabis, 58,7 % des usagers disent se le faire offrir et 36,2 % l'achètent. Seuls 5,1 % le cultivent.

Si la proportion des 15-64 ans qui déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie est passée de 24,9% en 2000 à 30,6% en 2005, cette forte augmentation est due à un "stock" plus important de personnes qui ont expérimenté le cannabis durant leur jeunesse. Au contraire, chez les ados, cette expérimentation semble se stabiliser. En 2005, 48,5 % des 15-25 ans ont déjà testé le cannabis contre 49,6 % en 2000. C’est mieux que si c’était pire…

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