Sur le plan mécanique, tout est donc clair. Jusqu’au fait que le rire soit, physiquement, le propre de l’homme. C’est, semble-t-il, à notre statut de bipède que nous devons cette capacité unique à nous esclaffer. Une affaire de cage thoracique. Nos cousins les singes rient presque, mais presque seulement, parce que ce sont d’imparfaits bipèdes.

L’homme et le chimpanzé ont en effet des rires très différents : là où le premier casera une longue série de « ha-ha-ha » dans un même souffle, le second lui, devra reprendre sa respiration entre chaque « ha ». Là où l’homme fera travailler les muscles de son corps, le chimpanzé ne mobilisera que ceux du visage.

Rigoler un quart d’heure par jour

Tout  cela est bien beau mais qui nous dira enfin si, oui ou non, le rire est bon pour la santé ? Du calme, rassurons-nous, depuis quelques mois, on en est certain : c’est oui.

Deux équipes de chercheurs qui ne passent pas pour des rigolos ont en effet présenté les résultats de leurs travaux respectifs à la conférence annuelle de l’American College of Cardiology. L’une de ces équipes a mis en évidence les effets bénéfiques du rire, comparables à la pratique d’un exercice physique pour le système cardiovasculaire. L’autre a confirmé que la dépression augmentait de 44% les risques de mortalité !

Nous ne recommandons pas d’arrêter l’exercice. Mais, bien rigoler un quart d’heure par jour tout en faisant de l’exercice trois fois par semaine doit probablement être une bonne combinaison pour le système vasculaire explique le Docteur Michael Miller, de l’université du Maryland.

De son côté, la cardiologue Wein Jiang, de l’université de Caroline du Nord, justifie avec sagesse que les états dépressionnaires provoquent une nette surmortalité : les déprimés vivent plus dangereusement, précise-t-elle ; souvent, ils fument, sont sédentaires et ont un mauvais régime alimentaire.

Sur la mécanique et les effets du rire, on sait donc désormais presque tout. En revanche, le travail en laboratoire ne permet pas de répondre à la grande, la vraie, la seule question : « Pourquoi rit-on » ? 

Qu’est-ce qui fait que « quelque chose » va faire s’ébaudir Machin tandis que Truc restera parfaitement indifférent ? Mystère et boule de gomme. Pire : qu’est-ce qui fait que le même « quelque chose » qui fait rire le même Machin le lundi ne lui fera pas lever un sourcil le mardi ? Et le contraire pour Truc. Et sa femme. Et ses enfants…

La science est démunie, les chercheurs ne trouvent pas.

L’un d’entre eux pourtant, livre une hypothèse moins farfelue qu’il n’y paraît : Et si penser que l’on rit uniquement parce que quelque chose est drôle était une erreur fondamentale ? Le rire n’aurait même, selon le neurobiologiste Robert Provine, que peu de rapport avec l’humour puisqu’il est le plus souvent principalement utilisé pour favoriser les relations sociales et sexuelles : globalement, explique-t-il, Ce sont les hommes qui font rire et les femmes qui rient. Et les deux adorent  ça ! .

Le trait sexiste amusera ou pas mais l’exemple éclaire le propos de l’homme de sciences  qui conclut avec davantage de sérieux : Le rire ne sert pas prioritairement à améliorer notre système immunitaire. Pas plus que la marche n’est apparue pour renforcer notre capacité cardiovasculaire. D’accord, mais ça aide !

La gymnastique du grand zygomatique

Lorsque nous « éclatons » de rire, nos poumons expulsent une partie de l’air qu’ils contiennent à une vitesse dépassant les 110km/h. Nos cordes vocales, vibrent sous la rafale en formant des syllabes de 1/16è de seconde.  Attention, la gymnastique du grand zygomatique commence  comme une tempête!

Le diaphragme se contracte, le cœur accélère pied au plancher, la tension artérielle grimpe en flèche. L’épiglotte ferme le larynx à moitié et pas moins de quinze muscles faciaux s’activent sous la férule de leur leader incontesté, le grand zygomatique qui, en relevant nos lèvres à chaque coin nous donne le faciès si caractéristique du rieur. Notre tête se projette  vers l’arrière, notre buste vers l’avant, et inversement. Tout notre corps est secoué de mouvements saccadés et irrépressibles.

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