Aiguë contre chronique

La médecine n’a évidemment pas toujours l’œil rivé sur le cadran de notre horloge biologique. En cas de maladie aiguë, c’est l’urgence du traitement qui reste l’unité de temps la plus efficace car il s’agit d’abord de parer au plus pressé. En revanche, pour les maladies chroniques, on doit envisager la prise de médicaments sur plusieurs années, voire sur une vie entière. L’adaptation des horaires de prise en fonction du patient, en fonction de ses propres rythmes, est donc particulièrement indiquée, quel que soit le type de maladie concernée : allergique, rhumatologique, digestive, psychiatrique ou autre.

A l’hôpital, qui n’a pas vraiment pour réputation de privilégier l’individu, la chronobiologie gagne un terrain aussi précieux qu’important. C’est particulièrement vrai pour les traitements lourds, notamment anticancéreux.

Les chimiothérapies génèrent une toxicité parfois très sévère. Or, les cellules de l’organisme sur lesquelles vont agir les médicaments sont en quelque sorte équipées d’horloges, constituées d’une douzaine de gènes. Ce sont ces horloges qui vont donner l’heure aux cellules, leur indiquer à quel moment elles vont métaboliser les substances. La chronobiologie a permis de repérer le moment où les cellules se divisent - un moment où la toxicité des médicaments anticancéreux est maximale – et donc d’éviter de les administrer lorsque les effets secondaires risquent d’être plus importants.

Plus efficaces ou moins toxiques ?

Si l’on est loin encore de pouvoir choisir le moment du traitement le plus propice dans des services hospitaliers souvent sous pression, les médecins pensent désormais « chronothérapeutique », autant que « thérapeutique ». Les techniques d’administration progressent rapidement et ne concernent pas seulement les cas les plus lourds. La chronomodulation s’applique en effet tout autant à des pompes qui délivrent les médicaments aux heures les plus favorables qu’à des gélules préprogrammées, prises le soir pour libérer le médicament en fin de nuit, au moment où son action est la plus souhaitable (exemple : la cortisone dans le cas de certaines polyarthrites).

On le voit, les bénéfices de la chronothérapie sont à la fois importants et multiples. Cette discipline encore neuve (du moins prise en compte depuis peu) permet de rendre le médicament plus efficace et de réduire sa toxicité, donc ses effets secondaires. Deux bonnes raisons de soutenir la recherche dans ce domaine !

A table et au lit !

On nous le serine suffisamment : notre alimentation est notre premier médicament.

Est-ce à dire que, là aussi, on doive impérativement absorber nos cinq fruits et légumes quotidiens à heure fixe, notre poisson à un autre moment, nos œufs plus tard et nos pommes de terre plus tôt ? Presque ! La chronobiologie alimentaire étudie en effet de très près comment notre organisme utilise les aliments au cours de la journée. Certaines conclusions relèvent du simple bon sens populaire et tout le monde sait qu’il est préférable de manger à un rythme régulier chaque jour : trois repas pris à heures fixes, le plus calmement possible.

D’autres conclusions sont moins évidentes. Les nutriments ne sont pas assimilés de la même façon selon le moment de la journée et génèreront – ou pas – une prise de poids. Ainsi, les graisses ingérées le soir seront stockées par l’organisme, alors qu’elles seront, le matin, entièrement utilisées comme source d’énergie.

Les travaux les plus récents le démontrent aujourd’hui : végétaux, animaux ou humains, tous les êtres vivants sont soumis à des rythmes biologiques qui se répètent à intervalles réguliers dans le temps. Ce rythme est dit circadien (du latin circa, environ, et dies, jour) quand sa période est d’environ 24 heures.