Bien que l’existence de joueurs pathologiques ait été décrite dès 1929, la notion de jeu pathologique n’est apparue dans la littérature scientifique que vers la fin des années 1980. Le joueur excessif a tout d’abord été considéré comme présentant des troubles impulsifs, puis ces troubles ont été inclus progressivement dans le groupe des « addictions sans substances ».

Pour les sociologues, le jeu problématique et pathologique s’inscrit à la fois dans un contexte social, économique, historique et culturel global et dans un contexte spécifique au joueur. S’il peut être considéré comme un problème de santé publique, le jeu pathologique a fondamentalement des causes sociales et entraîne des conséquences qui se situent dans ce champ.

Pathologique, mais presque…

Le concept de « jeu pathologique » a ainsi fait l’objet de nombreux débats scientifiques, idéologiques, conflits d’intérêts ou lobbying. Certains auteurs soulignent que considérer le jeu excessif comme une pathologie individuelle plutôt que comme un problème social, permettrait à l’État de se désengager d’une partie de ses responsabilités.

Alors, quand commence vraiment le « jeu pathologique » ? Selon les psychologues, le « joueur » n’est pas celui qui joue, mais celui qui re-joue. Nuance. On s’en serait un  peu douté, mais cela ne suffit pas à faire de lui un toxicomane invétéré : le joueur de Loto du samedi ou le turfiste dominical fréquentent rarement les centres de prise en charge des toxicomanies.

Curieusement, le « vrai » joueur pathologique a tendance à réfuter la part que prend le hasard… dans les jeux de hasard. Plus que tout joueur « normal », il va développer des stratégies pour tenter de contrôler ce hasard, s’en faire un allié. Niant l’évidence et la loi des probabilités, il va souvent combiner l’élaboration de la « martingale » infaillible et la mise en place d’un rituel immuable.

Chez le joueur menacé, c’est la conviction intense qu’il va finir par gagner qui le rend le plus dépendant. C’est pourquoi tous les jeux de hasard et d’argent ne se valent pas quant à leur dangerosité. C’est moins le jeu de hasard en tant que tel que le type de jeu qui doit retenir l’attention.

Loto pépère et Rapido d’enfer

D’un côté, le Loto : trois tirages par semaine après le diner, avant une bonne soirée TV. Une distraction de père de famille, choisie pour le rêve raisonnable d’une vie enfin délivrée des soucis d’argent; de l’autre côté du ticket, le Rapido : un loto toutes les 5 minutes avec tirage au comptoir du bistrot et tournée garantie à la clé. Un gouffre à finances pour gagne-petit qui dépense-gros.

Des exemples, côté courses ? Allons-y. D’une part, le tiercé : une escapade dans le monde sans grand risque du jeu de l’amour des chevaux et du hasard dans la troisième; d’autre part, le pari « course par course » : à peu près autant d’occasions de parier sa chemise qu’il existe de courses pour la perdre, chaque jour sur tous les hippodromes de France et de Navarre.

Un tour, côté casino ? Ici, la roulette : un jeu d’initiés où « la mise » a aussi sens d’apparence, où le cérémonial fait partie du plaisir; là, le bandit manchot : un jeu solitaire et mécanique où la répétition du geste est censée compenser les aléas de la chance.

Ce qui distingue le jeu dangereux de celui qui l’est moins, c’est son rythme. Plus rapide est celui-ci, plus nombreuses sont les occasions de se persuader qu’on va gagner. En oubliant que les occasions de perdre augmentent dans les mêmes proportions.

L’impact d’un gros gain initial est par ailleurs un des facteurs classiques d’installation du jeu pathologique.

Joueurs, toxico : même galère

Il est admis aujourd’hui que la prise répétée de toute substance psychoactive (drogue) dérégule le couple de neurotransmetteurs qui permet de contrôler les réactions face à un événement.  Seule la prise de la drogue permet de reconnecter immédiatement et artificiellement ces neurones. Ce processus obtenu avec la cocaïne, la morphine, les amphétamines, le tabac ou l’alcool peut-il être obtenu par le jeu ?

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