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L’expo interdite au cœur de l'Homme

A CORPS OUVERT

L'époustouflante exposition "A corps ouvert", après avoir traversé le monde, a finalement été interdite en France. Trop de tabous transgressés ? Trop de réalisme devant la mort ? Peut-être renaîtra-t-elle un jour de ses cendres

Elle a commencé par créer un peu de polémique aux Etats-Unis, cette exposition "Our body". D'abord parce qu'au pays où dévoiler son sein à la télévision peut stopper net la carrière d'une chanteuse à succès, organiser une exposition anatomique  peut sembler relever de l'inconscience suicidaire. Et pourtant, cette manifestation d'un genre totalement nouveau y a connu un immense succès.

Au Witte Museum de San Antonio, au Science Center d’Orlando, au Science Center de Detroit, au Museum & Science Center de Rochester, en Australie, au Japon, en Angleterre, en Belgique, en Hollande, en Espagne, 30 millions de visiteurs ont déjà plongé dans cet univers à la fois artistique et pédagogique et profondément déroutant.

En muscle, en chair et en os

Beaucoup d'entre nous se rappellent les "écorchés" des livres de Sciences nat' du lycée, ou le squelette hantant comme un fantôme le placard de la salle de classe. Tout cela ne respirait pas vraiment l'authentique. Pour en découvrir, de l'authentique, il fallait entreprendre des études de médecine. Et encore : la méthode traditionnelle consistant à préserver les corps dans du formol permet certes d’examiner les spécimens anatomiques, mais pas de les manipuler. Pour pouvoir faire des travaux de recherche approfondis, les professeurs et les étudiants doivent porter des gants et s'intoxiquer dans les vapeurs toxiques du formaldéhyde.

Aujourd'hui, les techniques employées relèvent davantage de l'Odyssée de l'espace que de la momification de Toutankhamon.

Parmi elles, l’imprégnation polymérique est une méthode récente qui permet de créer des spécimens anatomiques destinés à approfondir les connaissances médicales.

L'exposition "A corps ouvert" utilise cette méthode. Les spécimens anatomiques qui la constituent sont de véritables corps, l’eau contenue dans les tissus étant remplacée par des polymères. Tous les corps et matériaux contenant de l’eau, que ce soit le cuir, le bois, les plantes, les insectes et les animaux, peuvent être traités par imprégnation polymérique. Mais, avoir sans cesse conscience que les corps que l'on découvre au fil de l'exposition sont de vrais corps contribue indéniablement au trouble qui envahit le visiteur. Ce qui apparaît comme irréel est en fait le réel. Le mort a l'apparence du vivant. C'est beau – parce que la dimension artistique est incontestablement mise en avant – et effrayant – parce qu'on n'a pas peur de regarder les morts en face…

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