Même si l’on en fait des tonnes sur le sujet de l’alcool pour excuser ses pires excès, il serait injuste (et d’ailleurs inutile) de prendre le contre-pied par la diabolisation. Produit culturel, incontestablement. Symbole de convivialité, indubitablement. Mais, comme toutes les drogues entraînant une dépendance physique et psychique, l’alcool est aussi source de drames et de malheurs d’autant plus destructeurs qu’il s’agit d’un produit socialement intégré, voire plébiscité.

C’est évident : le discours qui accompagne traditionnellement la dégustation du vin est tout autant une ode à la culture du goût… qu’un excellent prétexte à abuser de la dive bouteille. Et la première goutte de champagne dans le verre d’anniversaire est moins un rituel initiatique (déjà contestable) qu’un prétexte pour les adultes à  continuer à boire en toute bonne conscience.

Ce même discours, transposé à la consommation de cigarettes, est tout simplement inimaginable. Qui parmi les fumeurs réguliers d’aujourd’hui, peut prétendre avoir apprécié sa première cigarette ? La plupart du temps, elle aura été fumée en cachette de la famille, entre copains et copines du même âge, en essayant de ne pas trop tousser… C’est d’abord la transgression qui avait du bon !

Des petits, moins. Des gros, autant

Alcool et tabac sont volontiers associés, non seulement parce que leur consommation l’est souvent à travers le profil classique « alcoolo-tabagique », mais aussi parce qu’ils bénéficient d’un même statut de légalité. Leur vente et leur usage sont certes réglementés, mais parfaitement licites. Leur sort paraît lié jusque dans les évolutions de comportement constatées : les Français fument et boivent de moins en moins. Cette tendance baissière, enregistrée depuis quelques années, est confirmée par les résultats du dernier Baromètre santé de l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES).

C'est la consommation d'alcool qui enregistre la diminution la plus spectaculaire : entre 2000 et 2005, la proportion d'hommes buveurs quotidiens est passée de 27,8% à 20,3% et celle des femmes de 11,2% à 7,3%. Pourtant, derrière ce bon résultat global, "les usages problématiques d'alcool persistent", souligne l'INPES. Ainsi, 14 % des personnes interrogées déclarent au moins un épisode d'ivresse par mois et 9% présentent un risque de dépendance.

Côté tabac, le même mouvement semble se dessiner : si la part des fumeurs diminue (29,9 % en 2005 contre 33,1 % en 2000) – particulièrement parmi les femmes (-11%) et les plus jeunes (-41 % chez les 12-15 ans) –, en revanche, le nombre moyen de cigarettes fumées par jour passe de 13,9 à 14,8.

Ce sont surtout les petits fumeurs qui sont parvenus à arrêter, les plus dépendants étant toujours aussi nombreux à fumer… Ecrasante logique et lourd problème de santé publique.

L'écart se creuse d’abord entre hommes et femmes. Les "gros fumeurs", les "gros buveurs", comme d’ailleurs les accros aux drogues illicites, se recrutent d’abord dans la population masculine. Mais les différences se situent au-delà. Elles représentent autant de marqueurs sociaux qui posent une question fondamentale à tous les acteurs de santé : la prévention profiterait-elle d’abord à ceux qui en ont le moins besoin ?

/>