Quand jouer n’est plus un jeu…

Si les quelque 31 millions de personnes qui cette année auront, au moins une fois, tenté leur chance auprès de la Française des Jeux étaient toutes accros, ça se saurait ! Mais il est vrai que le développement et la diversité des jeux instantanés proposés désormais au public ont généré une augmentation sensible du nombre d’addictions. A tel point qu’on les estime aujourd’hui dans l’hexagone à plus de 300.000, c'est-à-dire davantage que le nombre total de toxicomanes (hors tabac et alcool), 2 fois plus que le nombre d’héroïnomanes !

Mais quand commence le « jeu pathologique » ? Selon les psychologues, le « joueur » n’est pas celui qui joue, mais celui qui rejoue. Nuance. On s’en serait un  peu douté, mais cela ne suffit pas à faire de lui un toxicomane invétéré : le joueur de Loto du samedi ou le turfiste dominical fréquentent rarement les centres de prise en charge des toxicomanies.

Curieusement, le joueur pathologique a tendance à réfuter la part que joue le hasard… dans les jeux de hasard. Plus que tout joueur « normal », il va développer des stratégies pour contrôler ce hasard, s’en faire un allié. Niant l’évidence et la loi des probabilités, il va souvent combiner l’élaboration de la « martingale » infaillible et la mise en place d’un rituel immuable.

Chez le joueur menacé, c’est la conviction intense qu’il va finir par gagner qui le rend le plus dépendant. C’est pourquoi tous les jeux de hasard et d’argent ne se valent pas quant à leur dangerosité.

Des exemples ? D’un côté, le Loto : une distraction de père de famille choisie pour le rêve raisonnable d’une vie enfin délivrée des soucis d’argent (100% des perdants ont tenté leur unique chance sur 13 millions de combinaisons); de l’autre côté du ticket, le Rapido : un loto toutes les 5 minutes avec tirage au comptoir et tournée garantie à la clé. Un gouffre à finances pour gagne-petit mais dépense-gros.

D’une part, le tiercé : une escapade dans le monde sans grand risque du jeu de l’amour des chevaux et du hasard « dans la troisième » ; d’autre part, le pari « course par course » : à peu près autant d’occasions de parier sa chemise qu’il existe de courses pour la perdre, chaque jour sur tous les hippodromes.

Ici, la roulette : un jeu de casino d’initiés où la mise est aussi apparence et le cérémonial délectable; là, le bandit manchot : un jeu solitaire et mécanique où la répétition du geste est censée compenser les aléas de la chance.

On l’a compris, ce qui distingue le jeu dangereux de celui qui l’est moins, c’est son rythme. Plus rapide est celui-ci, plus nombreuses sont les occasions de se persuader qu’on va gagner. En oubliant que les occasions de perdre augmentent dans les mêmes proportions.

La véritable explosion que connaissent aujourd’hui les sites de jeu sur Internet montre bien que l’illusion de la virtualité dégagée par le web est un révélateur puissant de la réalité de la dépendance.

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