Chez le joueur menacé, c’est la conviction intense qu’il va finir par gagner qui le rend le plus dépendant. C’est pourquoi tous les jeux de hasard et d’argent ne se valent pas quant à leur dangerosité.

Des exemples ? D’un côté, le Loto : une distraction de père de famille choisie pour le rêve raisonnable d’une vie enfin délivrée des soucis d’argent (100% des perdants ont tenté leur unique chance sur 13 millions de combinaisons); de l’autre côté du ticket, le Rapido : un loto toutes les 5 minutes avec tirage au comptoir et tournée garantie à la clé. Un gouffre à finances pour gagne-petit mais dépense-gros.

D’une part, le tiercé : une escapade dans le monde sans grand risque du jeu de l’amour des chevaux et du hasard « dans la troisième » ; d’autre part, le pari « course par course » : à peu près autant d’occasions de parier sa chemise qu’il existe de courses pour la perdre, chaque jour sur tous les hippodromes.

Ici, la roulette : un jeu de casino d’initiés où la mise est aussi apparence et le cérémonial délectable; là, le bandit manchot : un jeu solitaire et mécanique où la répétition du geste est censée compenser les aléas de la chance.

On l’a compris, ce qui distingue le jeu dangereux de celui qui l’est moins, c’est son rythme. Plus rapide est celui-ci, plus nombreuses sont les occasions de se persuader qu’on va gagner. En oubliant que les occasions de perdre augmentent dans les mêmes proportions.

La véritable explosion que connaissent aujourd’hui les sites de jeu sur Internet montre bien que l’illusion de la virtualité dégagée par le web est un révélateur puissant de la réalité de la dépendance.

Fièvre acheteuse et valse de l’étiquette

Autant, voire davantage encore que dans le jeu pathologique, le rapport à l’argent est étroitement lié au phénomène de l’achat compulsif. Du radin relatif au pingre absolu, du gestionnaire approximatif au flambeur patenté, toute une typologie va s’établir pour situer les différents acheteurs sur l’échelle de la dépendance. Puisque l’on parle achats (même irraisonnés), parlons consommateurs (même immodérés). Des sociologues (même américains) les ont classés en quatre catégories plus ou moins pathologiques :

Dans la famille des « émotionnels », on trouve les consommateurs particulièrement attachés à la valeur sentimentale de l’objet acheté, à son intérêt symbolique. Son acquisition correspond à une autothérapie, un acte destiné à lutter contre sa propre angoisse, une sorte d’antidépresseur.

Dans la famille des « impulsifs », on reconnaît plus facilement des consommateurs parfois proches de nous… envahis par un désir soudain et irréfléchi d’acheter. La plupart du temps, l’acte d’achat est suivi d’un terrible sentiment de culpabilité, conforté par le montant des dépenses engagées.

On en connaît presque tous dans notre entourage, de ces consommateurs membres de la famille des « fanatiques ». Collectionneurs dans leur genre, ils achètent le même objet (ou le même type d’objet) de manière répétitive. L’ouverture de certains placards à chaussures de consommateurs(trices) non pathologiques peut donner une idée de la gravité du phénomène lorsqu’il est réellement pathologique…

Enfin, ceux qui ne sont plus à proprement parler des consommateurs, mais strictement des acheteurs « compulsifs » agissent pour apaiser des tensions internes insupportables, des angoisses irrépressibles. C’est pourquoi, empêchés, ils éprouveront un fort sentiment de frustration.

Quatre familles qui révèlent ainsi leurs caractéristiques : l’importance de la sensation de manque, celle de l’implication personnelle dans l’acte d’achat, le rôle des relations humaines (on achète parfois pour impressionner le vendeur !), la signification psychologique de la dépense et de la possession.