Pourtant, les arguments de prévention des comportements addictifs avancés depuis des années par les Pouvoirs publics et puissamment relayés par leurs porte-paroles de terrain  - PMU et FDJ – ne manquaient pas d’une certaine pertinence. D’une certaine hypocrisie également car, malgré les précautions prises pour limiter le développement du jeu pathologique, celui-ci a connu une courbe ascendante, de facto exclusivement attribuable aux institutions officielles du secteur, y compris publiques.

Causes collectives ou individuelles ?

N’exagérons rien, répliquent les tenants du monopole ludique. Si les quelque 36 millions de personnes qui, en 2009, auront au moins une fois tenté leur chance auprès de la Française des Jeux ou du PMU étaient toutes accros, ça se saurait !

Les experts patentés du domaine semblent leur donner raison. A priori, on ne compterait à l’intérieur de l’hexagone que 1 à 2% de joueurs « problématiques ou pathologiques », c'est-à-dire quand même entre 400 000 à 800 000 personnes !

Lorsque l’on sait que le nombre total de toxicomanes (hors tabac et alcool) est de moins de 300 000, on mesure l’ampleur du phénomène « jeu addictif » et l’urgente nécessité d’affiner des estimations dont l’amplitude (du simple au double) est inquiétante avant même la multiplication des jeux et paris en ligne !

Bien que l’existence de joueurs pathologiques ait été décrite dès 1929, la notion de jeu pathologique n’est apparue dans la littérature scientifique que vers la fin des années 1980. Le joueur excessif a tout d’abord été considéré comme présentant des troubles impulsifs, puis ces troubles ont été inclus progressivement dans le groupe des « addictions sans substances ».

Pour les sociologues, le jeu problématique et pathologique s’inscrit à la fois dans un contexte social, économique, historique et culturel global et dans un contexte spécifique au joueur. S’il peut être considéré comme un problème de santé publique, le jeu pathologique a fondamentalement des causes sociales et entraîne des conséquences qui se situent dans ce champ.

Pathologique, mais presque…

Le concept de « jeu pathologique » a ainsi fait l’objet de nombreux débats scientifiques, idéologiques, conflits d’intérêts ou lobbying. Certains auteurs soulignent que considérer le jeu excessif comme une pathologie individuelle plutôt que comme un problème social, permettrait à l’État de se désengager d’une partie de ses responsabilités.

Alors, quand commence vraiment le « jeu pathologique » ? Selon les psychologues, le « joueur » n’est pas celui qui joue, mais celui qui re-joue. Nuance. On s’en serait un  peu douté, mais cela ne suffit pas à faire de lui un toxicomane invétéré : le joueur de Loto du samedi ou le turfiste dominical fréquentent rarement les centres de prise en charge des toxicomanies.

Curieusement, le « vrai » joueur pathologique a tendance à réfuter la part que prend le hasard… dans les jeux de hasard. Plus que tout joueur « normal », il va développer des stratégies pour tenter de contrôler ce hasard, s’en faire un allié. Niant l’évidence et la loi des probabilités, il va souvent combiner l’élaboration de la « martingale » infaillible et la mise en place d’un rituel immuable.

Chez le joueur menacé, c’est la conviction intense qu’il va finir par gagner qui le rend le plus dépendant. C’est pourquoi tous les jeux de hasard et d’argent ne se valent pas quant à leur dangerosité. C’est moins le jeu de hasard en tant que tel que le type de jeu qui doit retenir l’attention.

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