Barrière des espèces : ligne Maginot sanitaire ?

Les temps préhistoriques sont bien loin qui mettaient en contact avec des virus une population très réduite. A cette époque, pas de guerre épidémique… faute de combattants. Avec l’avènement de la révolution agricole, il y a 10 000 ans, l’homme et l’animal se sont véritablement côtoyés et la domestication a eu pour conséquence inattendue l’apparition d’affections virales nouvelles, jusqu’alors inféodées aux animaux.

Aujourd’hui, les certitudes qui prévalaient sur l’existence d’une barrière infranchissable entre les espèces animales et l’espèce humaine sont sans doute quelque peu écornées. Mais il ne s’agit pas pour autant de crier haro sur le baudet et de reporter sur d’innocentes bestioles tous les maux que l’homme transmet très bien lui-même à ses congénères !


Dès l’Antiquité, le développement des cités et des routes a réuni les conditions favorables à l’apparition des premières grandes épidémies, toutes désignées alors par le terme de « pestes ». Caravaniers d’abord, puis maritimes, les transports ont favorisé la diffusion des germes : l’arrivée de la Grande Peste en 1347 puis la véritable hécatombe dont furent victimes au XVIe siècle les populations du Nouveau Monde, ont même été la cause d’un effondrement démographique sans précédent dans l’histoire de l’espèce humaine.

Tout près de nous, à l’époque de la révolution industrielle, la tuberculose a fait de véritables ravages parmi les populations ouvrières regroupées dans les métropoles industrielles d’Europe du Nord. Vaches, poulets, moutons ou moustiques n’y étaient pour rien !

Psychoses, viroses et autres choses


L’actualité nous enseigne que de nouveaux défis sont lancés en permanence aux systèmes de santé publique, aux médecins, aux vétérinaires, aux biologistes.

Les politiques de prévention et de gestion de crise se sont extraordinairement sophistiquées. La communication en est d’ailleurs devenue un maillon si essentiel que le crédit accordé aux causes de santé publique est désormais exclusivement lié au « bruit médiatique » déclenché. Le risque de concurrence entre crises devient plus inquiétant que les crises elles-mêmes. Dans la course au scoop qui s’installe, c’est toujours la rumeur qui triomphe, là où la rigueur seule devrait l’emporter.

La grippe A-H1N1, d’abord nommée « grippe porcine », a constitué pendant toute l’année dernière la parfaite illustration de la difficulté d’évoquer un risque sanitaire et la façon d’y répondre sans provoquer immédiatement un effet de panique collective. Car, c’est un classique de santé publique : les psychoses se propagent plus vite que les viroses.

Les peurs collectives ont cela de commun avec les mouvements de foule que rien ne peut vraiment les calmer, sauf le temps. Sans véritable fondement, elles se répandent ; faute de manifestation tangible, elles finissent par s’éteindre. Entre temps, ce sont pourtant les individus qui vont fixer les règles du jeu, au-delà de toute consigne collective. Mais, après tout, cette situation est-elle tellement surprenante : peut-on reprocher à des citoyens, désormais soumis au principe absolu de précaution commune… de décréter seuls son application ?
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