Cette année, le lobbying anti-portable n’a pas fonctionné, sans doute parce que l’outil est à tel point entré dans notre vie quotidienne que ses possibles inconvénients – voire ses dangers – sont relégués au fond de notre conscience. Sans doute aussi parce que les inconditionnels anti-portables peinent toujours à justifier scientifiquement leur appel au sauve-qui-peut général.

Le gouvernement, dans son avertissement sur l’usage des mobiles par les enfants, traduit ainsi à la fois son embarras face à cette situation de quasi « vide scientifique » et sa volonté de s’inscrire dans une démarche de prévention clairement datée. On ne sait jamais…

Le principe de bon sens n’est pas constitutionnel

Le ministère rappelle en substance que, si les études françaises et internationales établissent qu’aucune preuve scientifique ne permet de démontrer un risque « notable » pour la santé, « certaines d’entre elles font état d’un risque faible d’effet sanitaire dans certaines conditions ».

Belle démonstration de langue de bois ! En réalité, le seul risque avéré découle d’un effet thermique en cas d’utilisation prolongée (les micro-ondes du portable, ça finit par brûler…). Des études évoquant un risque de cancer à très long terme (notamment des glandes salivaires) existent mais n’ont jamais à ce jour été confirmées.

Les soupçons remplacent-ils les preuves ? Non, bien entendu. Mais, après tout, le fameux « principe de précaution » a été mis en place pour permettre d’agir préventivement au moment où cela est possible. Ce principe est d’ailleurs désormais inscrit dans la constitution mais on pourrait parfois avantageusement lui substituer un « principe de bon sens ». Celui-ci n’est sans soute pas constitutionnel mais, par définition, relève d’avantage de la raison que de la peur. Ainsi, s’il est avéré que l’usage prolongé d’un portable produit des effets – thermiques ou autres – sur un cerveau adulte, il est concevable que le même usage produira des effets plus violents et peut-être plus durables sur un cerveau encore en construction. Comment expliquer sinon à une femme enceinte que l’absorption d’un seul verre d’alcool pendant sa grossesse peut suffire à handicaper gravement son futur bébé et prétendre que les ondes électromagnétiques dont on soupçonne le danger chez les adultes pourraient par miracle s’avérer sans conséquences sur leurs enfants ?

Il est interdit d’interdire de téléphoner

Selon le dernier recensement de l’INSEE, la France compte un peu plus de 63 millions de Français, dont 53 millions d’utilisateurs de portables, soit un taux d’équipement de 84% incluant d’évidence bon nombre d’adolescents. La généralisation de l’usage est telle qu’il est évidemment hors de question d’envisager, ne serait-ce qu’une seconde, l’interdiction des mobiles par les enfants. Des associations de défense en ont fait la demande et seront sans doute déboutées. Certains le déploreront, au nom même de la logique (« comment s’inquiéter en tant que mère et ne pas interdire en tant que ministre ? »). D’autres, plus nombreux sans doute, s’en réjouiront au nom de la raison (aux parents d’estimer les risques potentiels, s’ils en ont été avertis).

Pour renforcer les arguments des adversaires de la politique de prohibition mais prêcher pour l’abstinence du mobile en bas âge, la plupart des psychologues remarquent qu’équiper son enfant d’un portable, c’est céder au souci inconscient des adultes de conserver en permanence le contrôle de leur progéniture sans se rassurer pour autant (si mon enfant ne m’appelle pas, c’est qu’il lui est arrivé quelque chose, si j’oublie de l’appeler, c’est que j’ai manqué à mon devoir…). Et, du côté des enfants, avoir en permanence ce fil radiofréquencé à la patte, c’est ne jamais pouvoir gagner en autonomie et garder sans cesse à l’esprit le sentiment culpabilisant que leurs parents s’inquiètent à cause d’eux.

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