24 heures chrono

C’est une région de notre cerveau, l’hypothalamus, qui régule notre horloge biologique ou plutôt nos différentes horloges internes, mettant à l’heure et en phase les fonctions digestives, métaboliques, rénales, respiratoires, nerveuses, endocriniennes…

Aujourd’hui, mais cela n’a pas toujours été le cas, les autorités médicales sont unanimes à reconnaître la chronobiologie comme une discipline à part entière. Et pas seulement en termes de recherche car ses applications peuvent être extrêmement pratiques. Pourquoi, par exemple, l’infarctus du myocarde frappe-t-il le plus souvent vers 10 heures du matin ? Ni par hasard ni par fatalité : simplement à cause de la combinaison entre une tension artérielle et une viscosité du sang à leur maximum à ce même moment de la journée. Chez les sujets cardiaques, le traitement sera ainsi préférablement pris au réveil ou le soir au coucher si les médicaments ont une action à libération prolongée. Et il n’est pas besoin d’aller chercher dans le drame des exemples pour démontrer l’intérêt de la chronobiologie. Le plus évident est celui de l’aspirine dont on sait que, administrée le soir, elle sera considérablement moins agressive pour la muqueuse de l’estomac que le matin. Mieux encore : non seulement on constate une meilleure tolérance avec une prise vespérale, mais celle-ci se double d’une plus grande efficacité, grâce à la meilleure persistance des principes actifs de l’aspirine (comme d’ailleurs de tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens) dans le sang.

Aiguë contre chronique

La médecine n’a évidemment pas toujours l’œil rivé sur le cadran de notre horloge biologique. En cas de maladie aiguë, c’est l’urgence du traitement qui reste l’unité de temps la plus efficace car il s’agit d’abord de parer au plus pressé. En revanche, pour les maladies chroniques, on doit envisager la prise de médicaments sur plusieurs années, voire sur une vie entière. L’adaptation des horaires de prise en fonction du patient, en fonction de ses propres rythmes, est donc particulièrement indiquée, quel que soit le type de maladie concernée : allergique, rhumatologique, digestive, psychiatrique ou autre.

A l’hôpital, qui n’a pas vraiment pour réputation de privilégier l’individu, la chronobiologie gagne un terrain aussi précieux qu’important. C’est particulièrement vrai pour les traitements lourds, notamment anticancéreux.

Les chimiothérapies génèrent une toxicité parfois très sévère. Or, les cellules de l’organisme sur lesquelles vont agir les médicaments sont en quelque sorte équipées d’horloges, constituées d’une douzaine de gènes. Ce sont ces horloges qui vont donner l’heure aux cellules, leur indiquer à quel moment elles vont métaboliser les substances. La chronobiologie a permis de repérer le moment où les cellules se divisent - un moment où la toxicité des médicaments anticancéreux est maximale – et donc d’éviter de les administrer lorsque les effets secondaires risquent d’être plus importants.

Plus efficaces ou moins toxiques ?

Si l’on est loin encore de pouvoir choisir le moment du traitement le plus propice dans des services hospitaliers souvent sous pression, les médecins pensent désormais « chronothérapeutique », autant que « thérapeutique ». Les techniques d’administration progressent rapidement et ne concernent pas seulement les cas les plus lourds. La chronomodulation s’applique en effet tout autant à des pompes qui délivrent les médicaments aux heures les plus favorables qu’à des gélules préprogrammées, prises le soir pour libérer le médicament en fin de nuit, au moment où son action est la plus souhaitable (exemple : la cortisone dans le cas de certaines polyarthrites).